Transportés

Comment concilier mobilité et lutte contre la pollution ?

pollutionRencontre lors du congrès de l’AMIF, sujet choisi par Rails et Transports pour un petit-déjeuner, thème d’une réunion de Paris Métropole : la nécessité de concilier l’exigence environnementale avec les déplacements fait l’objet de nombreux et âpres débats en ce moment. La mobilité est à la fois un droit (droit de circuler) et un fait constaté (une réalité : les personnes ont besoin de se déplacer). Dans le même temps, l’attente des citoyens vis-à-vis de la qualité de l’air s’est accrue, notamment parce que l’opinion est sensible à la situation des victimes d’asthme, de maladies respiratoires ou cardiovasculaires en lien avec la pollution.

Je voudrais évoquer ici ce que j’ai rappelé dans ces occasions de débat.

L’enquête globale transports du STIF réalisée en 2010 et publiée en 2012 montre des déplacements en Ile-de-France en profonde mutation, avec des politiques publiques qui commencent à porter leurs fruits.

3 tendances retiennent l’attention à la lecture de l’EGT :

–          D’abord, pour la première fois, l’usage de la voiture diminue : la part de déplacements en voiture par rapport à l’ensemble des déplacements est passée de 43,9% en 2001 à 37,8% en 2010. Il y a d’importantes disparités territoriales : si à Paris l’usage de la voiture a diminué de 40%, il est intéressant de noter que la diminution de l’usage de la voiture ne concerne pas seulement Paris, mais touche également la petite Couronne (en grande Couronne, la voiture progresse).

–          l’usage des transports collectifs augmente fortement : + 21% soit 1,5 million de déplacements en plus effectués chaque jour en transports en commun, c’est considérable ! A titre de comparaison, entre 1991 et 2001 nous étions passés de 6,7 à 6,8 millions de déplacements en TC par jour soit une quasi stabilité. Entre 2001 et 2010, nous sommes passés de 6,8 à 8,3 !

–          Enfin, de plus en plus de Franciliens choisissent la marche et le vélo : il y a plus de 15 millions de déplacements à pied par jour (sans compter les déplacements à pied nécessaires pour rejoindre une station de métro ou son parking…), on observe un doublement de la pratique du vélo depuis 2001.

Je note aussi une évolution qui touche particulièrement Paris : l’augmentation des deux-roues motorisés.

Se lit dans ces évolutions le résultat de politiques de déplacements volontaristes engagées depuis le début des années 2000 avec le 1er Plan de Déplacements Urbains d’Ile-de-France et le résultat de la décentralisation de la compétence transport au niveau régional.

Tout le monde connaît bien l’ampleur de l’action qui a été menée : prolongements et créations de lignes tramway, métro, RER, accroissement de l’offre bus…

La  demande de mobilité croît alors que se pose un enjeu majeur de santé publique : lutter contre la pollution de l’air.

Il me paraît important de souligner que ces évolutions se font alors même que la mobilité des Franciliens augmente. Il y a une forte demande de mobilité : une ‘‘meilleure mobilité’’ si j’ose dire, c’est-à-dire toujours plus adaptée aux besoins (plus d’offre aux heures creuses, le soir, la nuit, et en fin de semaine par exemple), plus rapide, plus sûre et confortable (certaines lignes sont aujourd’hui victimes de leurs succès et sont saturées, la ligne 13 bien sûr mais aussi le RER A…).

Dans le même temps, force est de constater que la pollution de l’air reste à des niveaux préoccupants. Le sujet alimente fortement les débats des prochaines échéances électorales. A Paris où 9/10ème des habitants sont exposés à des niveaux de pollution au dioxyde d’azote et aux particules supérieurs aux seuils, les habitants sont de plus en plus préoccupés et demandent des actions.  Nous savons que le trafic routier en est la principale cause et c’est sur lui qu’il faut agir en priorité.

Que faire ?

Tout d’abord, il faut poursuivre et amplifier la politique des déplacements engagée par la Région et Paris depuis 2001 en faveur de toutes les alternatives à la l’usage de la voiture individuelle.

Le constat valide, à mon sens, l’orientation qui a été donnée au début des années 2000 par la Région et par Bertrand Delanoë à Paris en 2001.

Il faut la poursuivre et l’approfondir, cela passe par :

–          améliorer les transports en commun comme l’a présenté le Premier Ministre le 6 mars dernier : le Nouveau Grand Paris permettra de passer un nouveau palier à travers une amélioration considérable de la desserte de la métropole en transport en commun ;

–          encourager les modes actifs, marche et vélo à travers un nouveau partage de l’espace public : même si beaucoup a été fait depuis 2001, il faut poursuivre le rééquilibrage de l’espace public en donnant plus de place aux piétons, aux cyclistes, créer du stationnement pour les vélos, les deux-roues motorisés, des emplacements pour les vélos en libre-service… travailler sur la modération de la vitesse en étendant les zones 30, en développant des zones partagées (dites zones de rencontre) afin de favoriser la cohabitation entre les usagers, la sécurité routière et inciter à choisir ces modes de déplacement.

–          développer d’autres modes comme le fluvial, je reste convaincu que le transport de passagers sur la Seine a de l’avenir et doit se penser à l’échelle régionale et métropolitaine.

Ensuite, nous devons promouvoir de nouveaux usages de la voiture et les véhicules propres.

Le constat montre que le rapport à la voiture est en train d’évoluer, sous l’effet des politiques menées mais aussi des données économiques : la hausse du prix du carburant, la crise économique… Nous devons accompagner ces mutations et promouvoir d’autres usages de la voiture. Il ne s’agit pas de faire la guerre à la voiture, cela n’a pas de sens. L’objectif est de rendre son usage compatible avec, d’un côté, l’enjeu de désaturation du réseau routier et, de l’autre, d’amélioration de la qualité de l’air.

Pour cela, il faut développer le covoiturage et l’autopartage.

Le système Autolib’ mis en service depuis maintenant 15 mois est un succès. Nous avons atteint les 1,5 million de locations fin mars, 24 000 abonnés annuels, plus de 80 entreprises abonnées, 729 stations et plus de 3800 bornes de charge réparties sur 47 communes ! C’est un magnifique projet métropolitain qui modifie profondément le rapport à la voiture. 33% des utilisateurs d’Autolib’ possédant une voiture déclarent qu’ils ne la remplaceront pas ou la revendront  et  72% des utilisateurs d’Autolib’ ne possédant pas de voitures  déclarent qu’ils n’en achèteront pas dans le futur ! C’est une évolution culturelle. Il y aura probablement une génération Autolib’, des jeunes qui, grâce à Autolib’ n’éprouveront pas la nécessité d’acheter une voiture.

A travers Autolib’, nous promouvons des motorisations alternatives au diesel, en l’occurrence ici l’électrique. C’est l’avenir ! Sur ce sujet, les collectivités ont un rôle à jouer notamment en installant des bornes de recharge (nous allons les développer à Paris), en achetant des véhicules propres pour leurs propres flottes et à travers le STIF pour les bus (nous devons être plus exigeants encore dans ce domaine)… Mais il revient à l’Etat d’intervenir pour faire évoluer le parc roulant aujourd’hui diésélisé à 60% ! Hélas le poids des conservatismes est bien lourd.

Nous sommes également engagés pour développer avec les acteurs économiques des transports de marchandises plus propres, comme le prévoit la charte de logistique urbaine en cours de préparation.

Enfin, reste à trouver la bonne échelle d’intervention

L’enjeu qui est posé s’impose à nous tous et les solutions doivent nécessairement être élaborées, discutées avec l’ensemble des acteurs franciliens (Région, départements, intercommunalités, communes, Paris Métropole…).

A ce titre, Paris a, depuis 2001, ouvert le dialogue et la concertation avec ses voisins, au sein de Paris Métropole en particulier. J’ai moi-même d’ailleurs participé à une commission déplacements de Paris Métropole en décembre dernier sur ce thème. Nous devons continuer, innover, inventer ensemble les solutions de demain. Les mois qui viennent seront propices au débat d’idées.

Quelle gouvernance pour être plus efficace, aller plus vite tout en étant socialement juste c’est-à-dire sans pénaliser les plus modestes et créer de nouvelles frontières entre les territoires ? Nous le savons : les comportements sont différents entre d’une part Paris et la petite couronne où le report modal commence à réussir et d’autre part la grande couronne où la voiture continue de dominer largement.

Nous avons un certain nombre de documents cadres qui fixent des objectifs communs en particulier le PDUIF dont l’enquête publique vient de s’achever : – 20% d’émissions de GES d’ici 2020, + 20% de transports en commun, – 2% d’automobile, + 10% vélo/marche. Il traite également du transport de marchandises dont la prise en compte est essentielle.

Néanmoins, la gouvernance doit être clarifiée, c’est l’enjeu du projet de loi débattu par les parlementaires :

–          La métropole aura une compétence en matière de lutte contre la pollution, c’est indispensable ! Elle sera chargée d’élaborer un plan Climat/Energie (nous en avons un à Paris depuis 2007, il y a un plan Climat régional…). Il devra prendre en compte les émissions de particules. C’est à l’échelle de la métropole que doivent s’envisager des mesures de régulation de la circulation automobiles, des poids-lourds. C’est l’échelle pertinente, nous voyons que les tendances sont les mêmes entre Paris et la petite couronne.

–          Le STIF verrait ses compétences élargies à la mobilité durable. Paris finance le STIF à hauteur de 360 M€ par an, signe patent de la solidarité des parisiens avec leurs voisins en matière de transports. Il faut davantage intégrer les différents modes de déplacements, permettre une vraie intermodalité, pouvoir passer facilement d’une voiture partagée, au RER, au Vélib’… Nous devons collectivement imaginer comme cela  l’aménagement des futures stations du Nouveau Grand Paris… Il faut une instance qui pense l’ensemble. Le STIF est aujourd’hui le mieux placer pour le faire, il faudra des résultats.

En résumé :

1/ A l’égard des citoyens/des habitants, une exigence de résultat en matière de lutte contre la pollution s’impose à tous et nous oblige à agir.

2/ Pour les entreprises, promouvoir des déplacements propres représente une formidable opportunité d’avenir dans un contexte de crise de par:

  • Les investissements en infrastructures seront massifs (Grand Paris Express, tramways, nouveau partage de l’espace public avec une redistribution des voiries qui doit se poursuivre et s’homogénéiser dans l’ensemble de la métropole…) ;
  • Des innovations nombreuses devront être apportées pour sortir progressivement du diesel et développer d’autres motorisations offrant la même qualité de service pour moins de pollution : l’électrique en premier lieu et développer une filière française d’excellence en la matière (bus électriques, utilitaires, camions…).

3/ Pour le politique, il s’agit de ne pas rater la réforme de la gouvernance afin de pouvoir relever ce défi consistant à construire une métropole écologique, accessible et ouverte à tous.

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4 Comments

  1. Il manque un point essentiel dans cette analyse : les besoins de déplacement « artificiels ». Combien de personnes s’installent volontairement à des dizaines de kilomètres de leur lieu de travail pour profiter du cliché « pavillon avec jardin » pourtant extrêmement gourmand en énergie ? Combien de centres commerciaux va-t-on continuer de construire au milieu de nulle part (Europa City, Aéroville, One Nation Paris (aux Clayes sous Bois hein, pas à Paris), Carré Privé Ouest), créant ainsi de véritables « aspirateurs à voitures » et tuant du même coup le commerce de proximité ?

    Pour schématiser, avec les mêmes moyens, on peut transporter 1000 personnes sur 20 kilomètres ou 4000 personnes sur 5 kilomètres. Et cela sans compter l’augmentation de l’utilisation de modes « doux » que cette réduction des distances peut créer.

    1. Je suis d’accord avec vous sur l’analyse des conséquences de l’étalement urbain. Il y a un débat sur la question de l’éloignement des centres : en partie subi, en partie volontaire pour bénéficier d’un cadre de vie différent. La ville, c’est la densité, la proximité et la cohabitation quotidienne… Il y a un article intéressant de Didier Guillot sur ce sujet, je vous l’indique : http://www.didier-guillot.info/article-de-la-relegation-des-categories-populaires-en-zones-peripheriques-115517409.html

  2. Le problème de la pollution, c’est celui des politiques. C’est vous les politiques qui avez soutenu à bras le corps la prolifération du diesel et avez empêché le développement de la voiture électrique. Si vous aviez mis autant d’énergie pour promouvoir la voiture électrique que pour le diesel ou le téléphone portable, aujourd’hui, tout le monde roulerait en voiture électrique et le diesel aurait presque disparu. Mais pour répondre à des intérêts géopolitiques et se soumettre au lobby pétrolier, vous avez tué dans l’oeuf toute recherche sur le véhicule électrique dans les années 80 et 90. Résultat, aujourd’hui, vous voulez surtaxer le diesel. Ceci démontre bien l’incurie des politiques! Vous faites toujours supporter aux citoyens vos manques et bien entendu ne supportez jamais la moindre remise en question.

    Moi j’utiliserais ma voiture tant que cela sera possible car c’est un progrès et un droit. Ne vous en déplaise…

    1. Autolib’, développement d’un réseau de bornes électriques, subvention à l’achat de scooters électriques, gratuité du stationnement… Je ne vois pas quelle collectivité fait plus que Paris pour développer les mobilités électriques. Les gouvernements successifs sont responsables du diesel mais juste un chiffre : de 2002 à 2012, la part du diesel dans le parc français est passée de 49% à 72%… C’est le seul pays du monde qui s’est encore diésélisé dans les 10 dernières années. Il faut encourager les constructeurs à aller plus loin et changer de modèle : bus électriques, véhicules utilitaires légers électriques sont à développer massivement.

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